Elle a écrit ce magnifique texte, que j'ai corrigé. Je lui ai demandé l'autorisation de le publier sur le blog, elle a accepté. Merci, Markha de nous le faire partager !
"Je suis une fille d’origine
Tchétchène née le 12 mars 1998.
Je suis l’aînée de la famille, je
vis en France depuis plus de 8 ans en tant que réfugiée politique.
On peut dire que la France m’a
sauvée. A présent, je vais vous évoquer un moment difficile, même
inoubliable.
1998 : Je suis née dans les
bombardements, les cris, les pleurs. Ces moments m’ont fait grandir
mentalement, penser différemment, je ne suis pas une adolescente
comme les autres.
1999 : Les Russes ont demandé à
tous les habitants de la République Tchétchène de partir, nous
devions quitter notre terre. Toute personne n’ayant pas quitté la
Tchétchénie était considéré comme « combattant ». Le
dernier délai était le 11 décembre 1999.
Mon père, ma mère, et moi, nous
avions dû quitter la Tchétchénie, ce qui veut dire se séparer de
nos biens.
Nous nous sommes séparés de notre
terre, de notre famille, pour se réfugier en Ingouchie, une petite
république pas loin de la Tchétchénie.
Notre fuite en Ingouchie n’a pas
servi à grand-chose, car la Guerre nous poursuivait.
Nous avons, pendant des jours et des
semaines habité dans une cave, c’était le seul endroit où l’on
pouvait être tranquille, peut-être un peu en sécurité. Mais, nous
entendions toujours les bombardements, la Guerre résonnait dans
notre tête. Dans cette cave, d’autres familles étaient avec nous.
Parfois, il nous arrivait de ne rien manger pendant des jours.
L’angoisse, l’inquiétude ne nous
donnait pas envie de manger.
Mon père et d’autres hommes
amenaient les blessés, ma mère, qui est infirmière les soignait,
elle se faisait aider par d’autres femmes.
Nous avions tous peur de ne plus nous
réveiller le lendemain, perdre un proche.
Quand la Guerre se calmait, c’était
le seul moment où l’on pouvait sortir de cette cave.
Tout était détruit, il n’y avait
plus d’arbres, plus de maisons, le ciel avait perdu sa couleur, il
y avait du sang partout, des cadavres, c’était semblable à un
enfer.
Pendant la Guerre, j’avais peut-être
deux ans, j’espérais voir un oiseau qui vole, pour me dire que
tout n’était pas fini, me dire que si cet oiseau avait survécu,
nous aussi, nous pouvions survivre. Malheureusement, je n’ai jamais
pu rencontrer cet oiseau. Je savais que ce n’était pas possible de
voir un oiseau, mais je ne souhaitais pas perdre espoir. Personne ne
voulait perdre espoir.
Toutes ces personnes ont été très
courageuses. Nous pensions que cela n’allait jamais se finir.
Je n’ai jamais compris ces jeunes
soldats qui croient tout ce qu’on leur raconte. Ils tuaient des
femmes, des hommes, des enfants ; ils les voyaient comme des
ennemis. Beaucoup d’enfants ont perdu mères et pères. Beaucoup de
parents ont perdu des enfants. Des jeunes hommes âgés de 14, 15 ans
ont été abattus, je ne vois pas en quoi ces personnes étaient
leurs ennemis ? Pour nous la liberté n’existait plus, c’était
un crime de vouloir rester sur sa terre." (Markha Khadjieva)
Markha... ton texte est bouleversant. Je suis tout simplement admirative de ce que tu as vécu et de la façon dont tu le racontes. On dit que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, et tu portes cette force en toi. Aujourd'hui tu donnes le meilleur de toi même et tu es un modèle de réussite. Bravo pour ce que tu es, ton avenir est devant toi... tu en feras quelque chose de grand j'en suis sûre.
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